Favorables ou non au déploiement accéléré des énergies renouvelables, de nombreux élus ont exprimé des craintes quant à la préservation de la production alimentaire. Pourtant, si les cultures énergétiques peuvent effectivement entrer en concurrence avec elle, l’éolien et le photovoltaïque, du fait de leur très grande efficacité, ne menacent en aucun cas l’alimentation.

Dans une récente tribune au Monde, favorable à l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, de grands élus socialistes s’inquiètent : « Nous devons être vigilants à ce que le déploiement des énergies renouvelables ne remette pas en cause notre sécurité alimentaire, alors que nous serons au défi de nourrir 10 milliards d’êtres humains à la fin du siècle. »

Aujourd’hui en France, 1 million d’hectares sont consacrés à la production d’agrocarburants (Cour des comptes, 2021). Leur production énergétique brute est de 37,2 térawattheures (TWh) par an (CGDD, 2020), sous forme évidemment de carburants liquides, consommés dans des véhicules thermiques avec une efficacité moyenne de l’ordre de 25 %.

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Le solaire dévore nettement moins d’espace que les bioénergies

Si l’on déployait seulement au sol, sur des surfaces aptes à l’agriculture, les 208 gigawatts (GW) de photovoltaïque du scénario 100 % renouvelables de RTE, cela nécessiterait 210 000 hectares. Comptons-en 250 000 pour un déploiement plus extensif, davantage compatible avec un maintien, voire une augmentation de la biodiversité (prairie sous les panneaux).

Ces 208 GW produiraient environ 250 TWh par an, sous forme d’électricité, utilisable dans des véhicules avec une efficacité d’environ 70 %, tenant compte des pertes dans le réseau et des pertes de charge. À partir de ces données, on peut calculer que pour la mobilité, le photovoltaïque s’avère 75 fois plus efficace par unité de surface que les biocarburants.

Il conviendrait d’ajouter à ce calcul les énergies grises utilisées pour produire PV, biocarburants et les divers types de véhicules. Le temps de retour énergétique du PV étant aujourd’hui tombé à moins d’un an sur une durée de vie technique, sa production nette peut être diminuée de 4 % au plus. On peut ajouter quelques pourcents afin de tenir compte du différentiel d’énergie dans la construction des véhicules électriques et thermiques, à répartir sur une ou plusieurs centaines de milliers de kilomètres.

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L’éolien occupe une infime surface au sol

Côté biocarburants, c’est à la fois plus compliqué… et beaucoup plus important. Selon les types de culture, et selon que l’on attribue l’énergie des intrants, notamment les engrais azotés, aux seuls biocarburants ou aux biocarburants et à certains sous-produits (tourteaux, par exemple), on trouve dans différentes études des chiffres d’énergie grise entre 20% et… 100 % (voire plus) de l’énergie brute produite.

En définitive, une approche conservatrice pourrait considérer que le photovoltaïque est en gros 100 fois plus efficace, ou plus efficace de « deux ordres de grandeur » que les biocarburants de première génération (agrocarburants). Et, aussi, infiniment préférable pour la biodiversité et la consommation d’eau. On peut naturellement dire la même chose pour l’éolien, qui se déploie en hauteur plutôt qu’horizontalement et dont l’empreinte au sol, en comptant les voies d’accès, etc. est dix à vingt fois inférieure à celle du photovoltaïque par kWh produit.

La surface agricole utile en France est de 26,8 millions d’hectares : l’éolien et le solaire d’un scénario « tout renouvelable », avec une production électrique 50 % supérieure à celle d’aujourd’hui afin de chasser les énergies fossiles des bâtiments, de l’industrie et des transports, s’étaleraient tout au plus sur 1 % de cette surface. Les craintes relatives à la production alimentaire n’ont pas lieu d’être.

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