En produisant de l’hydrogène « bleu » bon marché à partir de gaz fossile avec capture et séquestration du carbone (CSC), l’Algérie pourrait attirer la convoitise des pays européens. Si le pays rêve d’exporter la molécule par gazoducs à travers la Méditerranée, un grand flou subsiste sur ses véritables capacités à transformer son industrie et à répondre à la demande.

La réactivation récemment à Alger d’un nouveau gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie, et baptisé Galsi, à l’occasion de la visite de la première ministre italienne, Giorgia Meloni, a été l’occasion pour les deux parties de s’engager, pour la première fois, sur la question de l’hydrogène. Ainsi, ce pipeline, le second entre les deux pays, d’une capacité de 8 à 10 milliards de mètres cubes/an, devrait acheminer, en plus du gaz et l’ammoniac, de l’hydrogène. Or, pour l’instant, on sait peu de choses sur les capacités réelles de cette nouvelle industrie dans un pays qui s’est trop longtemps consacré à l’exportation énergies fossiles.

Piloté par Sonatrach, pour l’Algérie, et Eni, pour l’Italie, le projet Galsi s’étendra sur 837 km, dont 565 seront en offshore à travers la mer Méditerranée, et 272 à terre. Il coûtera initialement 2,5 milliards de dollars, en sachant que l’Union européenne avait déjà accordé, lors d’une première étude réalisée en 2009, 120 millions d’euros d’aide au projet.

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Un premier test avec l’Italie et l’Allemagne

À noter que le projet prévoit l’extension du gazoduc jusqu’en Allemagne, en application d’un accord signé le 22 décembre 2022 entre Sonatrach et la société allemande VNG, et en vertu duquel l’Algérie s’engage à fournir de l’hydrogène à ce pays européen à partir de 2030. D’ailleurs, les deux parties négocient la construction en Algérie d’une usine d’hydrogène vert, d’une capacité de production allant jusqu’à 20 MW, lequel devrait être opérationnel d’ici 2024.

À la même occasion, le ministre algérien de l’Énergie et des mines, Mohamed Arkab, a assuré que des études avaient été lancées pour adapter le nouveau gazoduc à la future exportation d’hydrogène vers l’Europe, mais sans en dire davantage. Pourquoi cet intérêt pour l’Algérie maintenant ? Si l’exacerbation de la guerre en Ukraine, avec ses répercussions désastreuses pour l’Europe, demeure un facteur essentiel dans cette réorientation vers le sud, les potentialités dont regorge l’Algérie dans le domaine des énergies propres attisent les convoitises des puissances industrialisées.

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Une grande demande sur l’hydrogène, mais à quel prix ?

L’UE compte importer 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030 pour compenser les énormes déficits déjà constatés et ceux à venir. Mais la question des coûts dissuade plus d’un. Il faut savoir qu’il faut trois fois plus d’énergie pour liquéfier l’hydrogène. Dans le même temps, il faut un volume quatre fois plus grand en hydrogène pour produire la même quantité d’énergie en méthane D’après de récentes études, le coût de production et de transport de l’hydrogène sera dix fois plus élevé que celui des autres combustibles. À cela s’ajoute le budget faramineux que devrait coûter la mise en place de 23 000 km de pipelines pour transporter le précieux produit à travers tout le Vieux-Continent.

D’après de nombreux observateurs, l’Algérie parait bien placée pour produire de l’hydrogène dit « bleu » à partir du gaz fossile, avec capture et stockage de carbone (CSC), à des coûts très compétitifs (soit 3 €/kg pour 6 €/kg en Europe). Toutefois, l’Algérie est toujours obligée de s’appuyer sur des partenariats avec les pays leaders en la matière, pour mettre en œuvre sa stratégie de développement de cette énergie.

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De petit producteur, l’Algérie se rêve en batterie de l’Europe

D’après des estimations préliminaires, ce projet d’exportation de l’hydrogène, via le gazoduc Galsi, permettra à l’Algérie de couvrir, à l’horizon de 2030 et si tout fonctionne comme prévu, environ 25 % des futures importations d’hydrogène de l’Europe. Cela confortera sa position de fournisseur durable de l’Europe pour les différentes énergies (gaz, hydrogène et électricité) et peut potentiellement en faire « la batterie » du continent.

Il faut dire que sur cette question d’hydrogène, l’Italie a été à l’avant-garde, en signant avec l’Algérie, dès mai 2022, un protocole d’accord portant sur le développement des champs de gaz et la décarbonation dans la zone nord de Bir Rabaa (Ouargla, Sud-Est). Le pays produisait déjà, à de petites quantités, de l’hydrogène par électrolyse, utilisé dans l’industrie, notamment dans le secteur agroalimentaire et la production de verre. Mais jusqu’alors, le plus gros de la production portait sur l’hydrogène gris, qui reste très polluant. Cela va-t-il changer ? L’avenir proche nous le dira.

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