En remplaçant le charbon par de l’hydrogène vert dans la production d’acier, le consortium suédois Hybrit amorce une révolution de la sidérurgie. Un premier lot d’acier décarboné a été livré au constructeur automobile Volvo, lequel l’utilisera dès cette année pour développer ses prototypes de véhicules.

Au niveau mondial, l’industrie sidérurgique est responsable de 5 à 8% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’environ 10 à 15% de la demande totale de charbon. Dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques et de l’abandon progressif des énergies fossiles il importait donc de trouver rapidement un autre processus pour la production d’acier.

Si les énergies renouvelables peuvent assez facilement remplacer les fossiles (charbon, pétrole et gaz) dans la plupart de leurs usages comme les transports routiers, la production d’électricité ou le chauffage, les ingénieurs n’avaient jusqu’ici pas réussis à «verdir» certains processus industriels comme la production d’acier à partir du minerai de fer. Dans les hauts-fourneaux qui transforment celui-ci en fonte avant qu’elle ne soit affinée dans une aciérie, le combustible utilisé est du coke, un dérivé du charbon produit dans les cokeries, des installations très polluantes. Dans les procédés employés classiquement pour fabriquer l’acier, ce coke sert à la fois à obtenir les hautes températures permettant de « fondre » le minerai de fer et à fournir le carbone qui entre dans l’élaboration de l’acier, lequel est en effet un alliage de fer et de carbone.

On pourrait revenir aux procédés mis au point il y a quelques milliers d’années lorsque les premiers métallurgistes de la préhistoire utilisaient du charbon de bois dans leurs bas-fourneaux. Mais les quantités de bois nécessaires seraient telles que cette idée saugrenue accélérerait dangereusement la déforestation de la planète. Oublions là donc tout de suite.

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Le coke remplacé par l’hydrogène

Depuis 2016, un consortium de 3 entreprises suédoises explore une autre piste : l’utilisation d’hydrogène vert pour la production d’acier. Cette année-là, SSAB, un sidérurgiste, LKAB une compagnie minière produisant du minerai de fer et Vattenfall, le principal énergéticien scandinave ont uni leurs forces en créant la société Hybrit, une initiative commune visant à produire de l’acier sans recourir aux énergies fossiles.
Deux années de recherche ont été nécessaires pour mettre au point une technologie qui élimine le coke en « réduisant » directement le minerai de fer par de l’hydrogène décarboné. Pendant l’été 2018, Hybrit a lancé le chantier de construction d’une usine pilote destinée à produire cet acier « fossil-free » sur le site SSAB de Luleå. Les travaux se sont achevés le 31 août 2020.

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Fourniture des premiers lots d’acier « propre » à Volvo

Il y a quelques jours, les premiers lots d’acier « vert » sont sortis de l’usine . Ils ont été livrés au constructeur automobile Volvo qui les utiliseront dès cette année pour développer ses prototypes de véhicules. Cette opération devrait permettre à a marque suédoise, qui appartient au groupe chinois Geely, d’atteindre son objectif de neutralité climatique, fixé à 2040.

Dans un communiqué, SSAB déclare que cette avancée constitue « une étape importante sur la voie d’une chaîne de valeur totalement exempte de combustibles fossiles pour la fabrication du fer et de l’acier ».
« Le premier acier fabriqué dans le monde sans énergie fossile n’est pas seulement une étape importante pour SSAB, c’est la preuve qu’il est possible d’effectuer la transition et de réduire considérablement l’empreinte carbone de l’industrie sidérurgique », ajoute Martin Lindqvist, le PDG de SSAB. L’entreprise estime qu’elle pourra développer la technologie de telle sorte à démarrer la production de cet acier vert à l’échelle industrielle d’ici 2026.

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D’autres sidérurgistes dans la course

Le sidérurgiste suédois n’est pas le seul dans la course à l’acier « propre ». En Suède, une autre jeune société, « H2 Green Steel » (H2GS) veut aussi exploiter ce filon de l’acier écoresponsable. Elle va bâtir une usine équipée d’un puissant électrolyseur au nord du pays. D’ici 2030, l’installation produira 5 millions de tonnes d’acier vert chaque année et prévoit de créer 1500 emplois.

De son côté, le géant ArcelorMittal s’est associé à Air Liquide s’est associé à Air Liquide pour introduire de l’hydrogène décarboné dans le processus de fabrication de l’acier. Le groupe veut faire de son usine de Sestao, en Espagne, le premier site de production à grande échelle d’acier vert, avec un objectif de 1,6 million de tonne d’ici 2025.
Quant aux Allemands de Thyssenkrupp, ils développent avec l’énergéticien Steag, une usine d’électrolyse de 500 MW.

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