A Saint-Nazaire, les Chantiers de l’Atlantique, s’intéressent de très près à la navigation éolienne. Ce vendredi 3 décembre, ils présentaient le prototype de la voile Solid Sail qui pourrait équiper un premier paquebot dès 2025.  Ayant fait le déplacement pour l’occasion, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, s’est dite séduite par le projet.

Depuis plusieurs années, les Chantiers de l’Atlantique, le plus important constructeur naval d’Europe et l’un des plus grands au monde, développent le concept d’un navire à voile dénommé Silenseas. Inventé par l’entreprise, le système de voilure Solid Sail est destiné à équiper des cargos marchands ou des paquebots de croisière à propulsion hybride. Pour maintenir la vitesse des navires dans la plupart des conditions de vent, les voiles et le moteur fonctionneront en parallèle, autorisant une économie d’énergie jusqu’à 50 %. « Les bateaux Silenseas pourraient même naviguer uniquement à la voile sur des temps de parcours assez longs avec une vitesse de 17 nœuds » précise Eric Coulon, ingénieur aux chantiers navals de Saint-Nazaire.

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Une voilure géante repliable en accordéon

Solid Sail est réalisée avec des panneaux rigides en matériaux composites qui forment une voilure géante repliable en accordéon. Elle pourrait être accouplée à une motorisation électrique avec batteries, ce qui permettrait dès lors de proposer des croisières « sans émissions ».

Le mât est capable de pivoter sur 360° pour s’adapter à la direction du vent. Cela permet de dissocier la trajectoire du navire de l’orientation des voiles. En cas de coup de vent subit, il pourra continuer sa route normalement car le mât pivote pour se mettre face au vent tandis que les voiles s’affaleront automatiquement en se repliant comme un éventail. Il pourra aussi s’incliner à 70 degrés pour passer par exemple sous les ponts de New-York ou du canal de Panama (voir la vidéo en-dessous de l’article).

La mât pourra s’incliner à 70 degrés pour passer sous les ponts

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Un gréement automatisé et informatisé

Solid Sail est fixée sur un gréement[1] innovant baptisé AeolDrive. Le système, très automatisé et informatisé, est manipulable par seulement deux équipiers : l’un dans la salle de contrôle, l’autre au pied du mât. La voile se déploie et se replie en très peu de temps.
Un premier prototype à l’échelle 1:5 a été testé pendant deux ans sur une jetée du port de Pornichet. Celui qui a été présenté hier à Barbara Pompili et à la presse est aussi un modèle réduit. Il est équipé d’un mât de 40 m et d’une voile de 600 m2. Dans un an, le démonstrateur à l’échelle 1 :1 disposera quant à lui d’une voilure deux fois plus grande et d’un mât de 80 mètres. Il va permettre de réaliser une série de tests avant la validation du concept sur un premier paquebot en 2025.

Selon Laurent Castaing, le directeur général du chantier « des discussions commerciales sont en cours avec deux clients sérieux ». Son objectif est de signer une commande au cours du premier semestre 2022.

Lors de la visite de ce vendredi à Saint-Nazaire, Barbara Pompili, ministre de la transition écologique s’est montrée séduite par le concept. « Les Chantiers se réinventent, se tournent vers l’avenir en revenant aux sources, avec la propulsion vélique. C’est une magnifique innovation qui montre que si on s’y met tous, on peut réussir à réindustrialiser notre pays », a-t-elle déclaré.

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La voile prend sa revanche

La navigation commerciale à la voile a été abandonnée au début du 20e siècle principalement en raison de son coût. « Il fallait de nombreux marins pour assurer les manœuvres. Faire tourner un moteur, c’est bien plus simple et cela nécessite beaucoup moins de monde », rappelle Nicolas Abiven, ancien skipper et responsable du projet Solid Sail aux Chantiers de l’Atlantique.  Mais aujourd’hui la flotte commerciale mondiale est responsable de 15 % des émissions de CO2 du secteur des transports et son empreinte environnementale pourrait croître de 50 à 250 % en 2050 si rien n’est fait d’ici là. Sachant que 90 % du trafic de marchandises est effectué sur les mers et qu’il représente 7% de la consommation mondiale de pétrole, ce constat risque de compliquer fortement la transition vers une planète neutre en carbone.

Les Chantiers de l’Atlantique ne sont pas les seuls à proposer à la voile de prendre sa revanche pour décarboner le secteur.  Des entreprises bien établies comme Airbus ou le groupe Ariane mais aussi plusieurs start-up, principalement françaises, envisagent des solutions similaires.

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[1] Le gréement d’un navire à voile est l’ensemble des pièces fixes et mobiles qui permettent de le propulser et le manœuvrer (mât, cordages, voiles, …)