La startup écossaise Orbital Marine Power a mis à l’eau sa nouvelle hydrolienne flottante O2. Avec ses turbines de 2 MW il s’agit à ce jour de l’hydrolienne la plus puissante du monde. Elle est à présent ancrée au large des Orcades, à 16 km des côtes de l’Ecosse, où elle sera mise en service avant d’être connectée au Centre européen des énergies marines (EMEC).

Les usines marémotrices d’envergure dans le monde se comptent sur les doigts d’une main. Celle de la Rance, en Bretagne, exploite le même principe que celui qui fait fonctionner les centrales hydro-électriques : un barrage construit dans un estuaire ou l’embouchure d’un fleuve permet de créer un réservoir d’eau.

Lorsque la marée monte, les vannes aménagées dans le barrage sont ouvertes et le réservoir se remplit. A marée descendante les vannes se ferment et, lorsque la différence de niveau est suffisante, le réservoir se vide au travers de turbines, lesquelles entraînent des alternateurs qui produisent de l’électricité. Dans les centrales modernes, les turbines sont bidirectionnelles et fonctionnent tant pendant la marée montante que la marée descendante.

En réalité, peu de sites au monde se prêtent à l’utilisation à grande échelle de cette technologie pour exploiter l’énergie des marées. En outre, de tels projets engendrent de sérieux problèmes environnementaux. L’écosystème de la Rance a été transformé par l’usine marémotrice qui a provoqué son envasement progressif et une importante perte de biodiversité.

Pour limiter ces impacts, les ingénieurs imaginent des lagons artificiels créés par des digues construites au large des côtes. Ils se remplissent à marée haute, puis se vident par des sas équipés de turbines. Un tel lagon est en projet près de Liverpool au Royaume Uni.

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Une technologie plus prometteuse

Mais aujourd’hui une autre technologie pour l’exploitation de l’énergie des marées semble plus prometteuse : les hydroliennes. Il s’agit de turbines placées sur les fonds marins, dont les pales transforment en électricité les courants de marée de la même manière qu’une éolienne transforme l’énergie du vent. Du fait de la masse volumique importante de l’eau (800 fois supérieure à celle de l’air), les hydroliennes, à puissance équivalente, sont beaucoup plus petites que les éoliennes. Leur impact visuel est nul et elles ne nécessitent pas la construction de barrages ou de digues coûteuses contrairement aux usines marémotrices classiques.

En France, la société Sabella a immergé une première hydrolienne sous-marine de 10 kW à Bénodet, dans l’estuaire de l’Odet, en avril 2008. Plus tard, d’autres machines ont été expérimentées par EDF au large de l’île de Bréhat, par Sabella encore à Ouessant et par Guinard Energies dans le golfe du Morbihan et à Madagascar.

Naval Énergies, une branche de Naval Group (ex-DCNS), a construit sur le port de Cherbourg la première usine d’assemblage et de maintenance d’hydroliennes, d’une capacité de 25 turbines par an. Elle devait alimenter le projet d’une ferme pilote de 7 turbines au raz Blanchard, en partenariat avec EDF Énergies Nouvelles. Mais fin juillet 2018, Naval Energies a annoncé la fin de ses investissements dans l’hydrolien. L’usine inaugurée le 14 juin a fermé un mois plus tard.

La start-up française EEL Energy développe une hydrolienne d’un nouveau genre : une membrane ondulante, sorte de grande nageoire biomimétique, qui imite les ondulations des poissons comme l’anguille ou la raie pour produire de l’énergie dans les courants marins.

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Il y a un vrai potentiel pour le marémoteur

Un peu partout dans le monde, des start-up développent et testent d’autres modèles d’hydroliennes. « Parmi les énergies marines, le houlomoteur affronte des difficultés persistantes et l’énergie osmotique n’a aucun avenir à mes yeux. Par contre, il y a un vrai potentiel pour le marémoteur, surtout pour les hydroliennes couplées aux lagons artificiels » nous confie notre collègue Cédric Philibert qui a travaillé à l’ADEME et à l’AIE.

Bien que les évaluations varient suivant les auteurs, le potentiel annuel de l’énergie des marées est généralement estimé à plus de 380 TWh/an, soit 1,5% à 2% de la production électrique mondiale. La commission européenne ambitionne une capacité installée de 100 MW d’ici 2025 et de 1 GW en 2030.

L’énergie marémotrice devrait toutefois rester inféodée aux quelques sites côtiers qui présentent des caractéristiques techniques favorables tout en satisfaisant aux problématiques environnementales et d’acceptabilité sociale.

C’est le cas des îles britanniques qui disposent de nombreux sites propices à l’implantation de machines marémotrices. Leur potentiel est estimé à 6 GW, soit 25 fois la capacité installée de la centrale de la Rance. Quant à la commission européenne, elle ambitionne une capacité installée dans l’Union de 100 MW d’ici 2025 et de 1 GW en 2030.

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L’hydrolienne la plus puissante du monde

La startup écossaise Orbital Marine Power fait probablement partie des entreprises les plus avancées dans la technologie des hydroliennes marémotrices. En 2017, la société a lancé un premier prototype de 2 MW, la SR2000. A l’époque, il s’agissait déjà de la turbine sous-marine la plus puissante du monde. Pendant son programme d’essai d’un an au large des îles Orcades (au nord de l’Ecosse), elle a produit plus de 3250 MWh d’électricité. Par comparaison, une éolienne terrestre de cette puissance peut fournir, selon le potentiel venteux du site où elle est installée, entre 4000 et 5000 MWh par an.

A présent, c’est une machine améliorée, mais toujours de 2 MW, qu’Orbital Marine Power a ancrée sur le même site. Cette version commerciale de 680 tonnes, baptisée O2, a bénéficié des enseignements livrés par les essais du prototype. Elle dispose de deux énormes turbines immergées, d’un diamètre de 20 mètres, disposées au bout de bras articulés de 18 mètres. Contrairement à de nombreux modèles d’hydroliennes plantées sur le plancher marin, la plateforme de l’O2 sur laquelle ces bras sont fixés, a la forme d’un cigare et flotte sur la surface. Elle peut être remorquée ou ancrée au fond du plancher marin par des chaînes, lorsqu’elle est en production.

Pour les maintenances, les turbines sont relevées par les bras au niveau de la plateforme, ce qui facilite grandement les opérations.
La société affirme que l’Orbital O2 « a la capacité de produire suffisamment d’électricité propre et prévisible pour répondre à la demande d’environ 2000 foyers britanniques et compenser les émissions d’environ 2200 tonnes de CO2 par an ».

Le projet O2 qui a mis 4 à 5 ans pour se concrétiser a été financé en partie par le programme Horizon 2020 de l’UE ainsi que par un crowdfunding de 7 millions de livres sterling qu’Orbital a levé avec succès l’année dernière.

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