Selon Mark Jacobson, un chercheur de l’université de Stanford, 145 pays pourraient couvrir leurs besoins quotidiens grâce aux énergies renouvelables. Les investissements à consentir se rembourseraient en seulement 6 ans.

On s’imagine souvent que l’écologie coûte cher et va forcément détruire l’emploi. Or, c’est faux. Ce qui est vrai, c’est que c’est l’inaction contre le changement climatique qui entraînera une baisse de PIB et de lourdes pertes d’emploi.

C’est ce que démontre Mark Jacobson, professeur et directeur du programme Énergie et Atmosphère de l’université de Stanford (Californie, États-Unis), dans une nouvelle étude publiée dans la revue Energy & Environmental Science.

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Les thèses du professeur Jacobson ne sont pas nouvelles. Déjà en 2015, cet ingénieur réputé démontrait par a+b que le monde pourrait couvrir l’intégralité de ses besoins énergétiques (y compris le transport et le chauffage) par une savante combinaison 100 % WWS (comprenez Wind Water Sun, soit éolien, hydraulique et solaire).

Dans sa dernière publication, Mark Jacobson montre que 145 pays pourraient couvrir la totalité de leurs besoins en énergie par l’énergie solaire, éolienne, hydraulique et par le stockage. La feuille de route plaide pour une transition énergétique réalisée à 100 %, idéalement pour 2035, mais pas plus tard que 2050. Le cap de 80 % de cette transition énergétique pourrait déjà être atteint en 2030 quel que soit le scenario, comme le montre le graphique suivant :

Graphiques : ligne du temps d’une transition à 100% éolien-solaire-hydraulique pour 145 pays à l’horizon 2035 (premier graphique) ou en 2050 (second graphique), avec une réalisation à 80% en 2030 dans les deux cas. Les chiffres mettent également en évidence 5 sources de réduction de la demande d’énergie pendant toute la période considérée. (cliquer pour agrandir)

Les investissements nécessaires à cette transition seraient remboursés en 6 ans à peine. Une telle transition coûterait moins cher à terme que de conserver le système énergétique actuel.

« Au niveau mondial, la combinaison éolien-hydraulique-solaire permet de réduire de 56,4% la consommation d’énergie finale, de 62,7% les coûts énergétiques privés annuels (soit de 17,2 à 6,4 milliards d’euros par an), et de 92% les coûts sociaux annuels liés à l’énergie (de 80,5 à 6,4 milliards d’euros par an) pour un coût en valeur actuelle s’élevant à 59,5 milliards d’euros. L’association éolien-hydraulique-solaire nécessite en effet moins d’énergie, est moins coûteuse et crée davantage d’emplois que le maintien du système actuel » affirme Mark Jacobson dans sa dernière publication.

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Une méthodologie bien éprouvée

La dernière étude de Mark Jacobson, intitulée « Low-cost solutions to global warming, air pollution, and energy insecurity for 145 countries » (« Les solutions économiques au réchauffement climatique, à la pollution de l’air et à l’insécurité énergétique pour 145 pays », en français), s’appuie sur ses derniers travaux, met à jour les données sur la consommation énergétique, et prend en compte les incertitudes liées à l’évolution du prix du stockage de l’énergie par batterie, ainsi que le développement de nouvelles technologies, telles que le vehicle-to-grid.

Toutes les technologies renouvelables sont prises en compte dans l’étude, y compris l’énergie houlomotrice et marémotrice, la géothermie, la biomasse, le solaire à concentration, le stockage d’électricité, de chaleur, de froid et d’hydrogène. Les 145 pays ont été regroupés en 24 groupes régionaux qui couvrent 99,7% des émissions mondiales de CO2.

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Le tout est calculé grâce à un modèle informatique (appelé Loadmatch) qui permet d’équilibrer, pour chaque région, la demande variable d’énergie avec l’offre variable d’énergie, la capacité de stockage, et la couverture des besoins (demand response) toutes les 30 secondes.
Jacobson et son équipe ne sont pas les seuls scientifiques à expliquer que le 100% renouvelable est possible.

À travers le monde, des dizaines d’équipes universitaires ont démontré la même chose. Même l’IEA (l’Agence Internationale pour l’Énergie) a étudié la faisabilité de la neutralité carbone et est arrivée à la conclusion que cet objectif est possible dans la grande majorité des pays. En fait, il n’existe à notre connaissance aucune étude scientifique sérieuse qui démontre, chiffres à l’appui, que le zéro-carbone n’est pas possible.

Certains secteurs en difficulté

Les impacts du passage à une économie verte sur la création d’emplois se feront sentir différemment en fonction des secteurs.
Bien sûr, les secteurs fortement émetteurs de CO2 vont connaître des bouleversements profonds. L’extraction minière, l’exploitation des énergies fossiles, l’agriculture intensive, l’aviation et l’automobile, risquent de subir de lourdes pertes d’emplois s’ils ne se réorientent pas vers des activités plus durables.

Carlos Tavares, le patron du groupe Stellantis, affirmait l’année dernière que 5 emplois thermiques deviendront 3 emplois électriques. L’Europe et les États-Unis pourraient donc perdre plus de 400 000 emplois uniquement du fait de l’électrification du parc automobile.

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Paradoxalement, Tesla, qui a des usines aux États-Unis, en Chine et à Berlin, emploie près de 100 000 personnes dans le monde. Selon Sarah Gondy, conseillère technique au sein de l’unité des emplois verts à l’OIT (Organisation Internationale du Travail), la mise en place de l’Accord de Paris devrait générer une perte totale de 6 millions d’emplois, mais en créer 24 millions au niveau mondial d’ici 2030.

Si l’on prend en compte l’économie circulaire et la consommation, on arrive à un résultat net de 26 millions d’emplois d’ici 2030 dans le monde. Ces chiffres rejoignent ceux de Mark Jacobson, qui affirme que l’association solaire-éolien-hydraulique-stockage créera davantage d’emplois que le maintien du mix énergétique actuel. Au niveau mondial, Mark Jacobson estime qu’une telle transition créerait 28 millions d’emplois en plus qu’elle n’en détruirait.

Seuls la Russie, le Canada et certains pays d’Afrique, dont les économies sont fortement dépendantes des énergies fossiles, subiraient des pertes d’emplois nettes.

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