Depuis 2020, la production de biométhane en France a été multipliée par quatre. Et si les petits méthaniseurs agricoles ont longtemps dominé le marché, des installations bien plus importantes font désormais leur apparition. Sous l’impulsion de géants des énergies fossiles, notamment. TotalEnergies vient ainsi de lancer, du côté des Pyrénées-Atlantiques, le plus grand méthaniseur de France.

Un énorme hangar, des digesteurs et des cuves de 25 mètres de haut. C’est la partie visible de tout un chacun de celle qui est devenue, ce jeudi 12 janvier 2023, la plus grande unité de méthanisation française. Installée à Mourenx (Pyrénées-Atlantique, 64), au cœur d’un bassin gazier de Lacq en pleine reconversion, BioBéarn devrait bientôt être en mesure de produire chaque année 160 gigawattheures (GWh) de biogaz. L’équivalent, nous apprend TotalEnergies, de la consommation annuelle d’environ 32 000 habitants. La multinationale y a investi quelque 38 millions d’euros.

Rappelons que la méthanisation permet de produire du gaz dit vert. Une énergie réputée non seulement propre et renouvelable, mais aussi locale. Puisqu’elle valorise des déchets produits sur le territoire. Le tout en comptant sur un processus tout à fait naturel de dégradation des matières organiques en absence d’oxygène. Des déchets alimentaires, de tonte ou encore de stations d’épuration. Leur dégradation se fait dans un méthaniseur et donne du biogaz qui peut servir à produire de l’électricité et/ou de la chaleur. Puis du biométhane, sa version épurée, qui peut être injectée sur le réseau de distribution de gaz français.

À lire aussi Méthamaine : quand le fumier est transformé en biogaz

La méthanisation produit aussi ce que les spécialistes appellent du digestat. Celui-ci pourra être valorisé en engrais naturel à utiliser sur les terres agricoles alentour. Si cette pratique, notamment, a pu poser question, une récente étude de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) conclut bien à des impacts majoritairement bénéfiques ou neutres pour la méthanisation.

Valoriser des déchets agricoles et d’abattoirs

Le méthaniseur BioBéarn devrait permettre ainsi de valoriser quelque 220 000 tonnes de déchets organiques — des coproduits agricoles et des déchets d’abattoirs, en l’occurrence — en 200 000 tonnes de digestat d’une part et en 160 GWh de biométhane d’autre part. Avec pour double objectif de réduire ainsi de près de 5 000 tonnes la consommation locale d’engrais chimiques et d’éviter également l’émission de 32 000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2) par an.

Car non seulement la méthanisation des déchets organiques permet d’éviter que le méthane (CH4) — un autre puissant gaz à effet de serre — produit naturellement par leur dégradation ne soit directement libéré dans l’atmosphère. Mais en plus, le gaz issu de la méthanisation et injecté sur le réseau émet, sur l’ensemble de son cycle de vie, environ 80 % de CO₂ en moins que le gaz fossile extrait du sous-sol. Quelque 40 grammes d’équivalent CO₂ par kilowattheure produit (gCO2e/kWh) pour le biométhane contre près de 230 gCO2e/kWh pour le gaz fossile.

En France, utiliser le biométhane pour décarboner le gaz du réseau est l’axe privilégié de développement. Parce que notre électricité est déjà décarbonée et parce que les réseaux de chaleur se décarbonent par ailleurs rapidement.

À lire aussi Biométhanisation des déchets ménagers : réussites et fiascos

Toujours plus de biogaz

L’unité de méthanisation de Mourenx est la 18ᵉ opérée par le groupe TotalEnergies. De quoi porter sa capacité de production à quelque 700 GWh par an. Ce qui est proche de l’objectif de 1 TWh fixé par la multinationale pour 2023. Et lui offre l’occasion de revoir ses ambitions à la hausse pour l’horizon 2030. TotalEnergies annonce ainsi vouloir produire 20 TWh par an de gaz renouvelable à cette échéance. De quoi alimenter 4 millions de Français et réduire nos émissions de CO₂ de 4 millions de tonnes.

Pour comparaison, notez qu’au 1ᵉʳ janvier 2023, la capacité de production raccordée au réseau gazier français était de l’ordre de 9 TWh par an. Alors qu’elle n’était que de 4,5 TWh en 2021 et de 2,2 TWh en 2020. Quant à l’objectif de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), il est de produire d’ici 2028, entre 24 et 32 TWh de biogaz par an. Pour un gisement mobilisable estimé à 60 TWh par an. Et une part de biométhane injectée sur le réseau comprise entre 14 et 22 TWh, soit entre 6 et 8 % de la consommation de gaz projetée en 2028.

À lire aussi Avec ce digesteur domestique vous transformerez vos déchets de cuisine en biogaz