Il faut s’attendre à voir fleurir de nouvelles lignes électriques à haute tension en France, a annoncé le patron de RTE, Xavier Piechaczyk, devant les sénateurs. Ces chantiers, indispensables au vu de l’électrification massive des usages, seront-ils aisément acceptés par la population ?

Afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, la France se tourne vers l’électrification : développement de la voiture électrique, électrification du chauffage avec le développement des pompes à chaleur, etc. Dans son « Futurs énergétiques 2050 » actualisé en 2023, le gestionnaire du transport électrique RTE estime que la consommation électrique va augmenter pour atteindre entre 580 et 640 TWh dès 2035 alors que la France consommait 475 TWh en 2019.

Un réseau électrique vieillissant à moderniser

Pour pouvoir répondre à cette demande croissante en électricité, le réseau doit s’adapter. Or, les lignes de transport françaises sont vieillissantes puisque le réseau a plus de 50 ans. La question de son renouvellement va donc se poser dans les 15 prochaines années, comme l’a indiqué RTE dans son schéma décennal de développement du réseau publié en 2019. Le réseau électrique doit ainsi relever un double défi : celui de son renouvellement pour permettre la pérennité de ses lignes et celui de son développement pour être en mesure de répondre à la nouvelle demande en électricité des consommateurs.

Dans ce contexte, le président de RTE, Xavier Piechaczyk a été auditionné par les sénateurs le 25 octobre 2023 pour recueillir son avis sur le mix électrique de demain. Le patron de RTE a rappelé qu’il fallait s’appuyer sur 4 leviers pour être en mesure de relever le défi de la transition énergétique : la sobriété, l’efficacité, l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Mais il faudra aussi développer le réseau électrique, en créant par exemple de nouvelles lignes, notamment des lignes à très haute tension (THT) à 400 kV (400 000 volts). Ce sont celles qui sont supportées par les plus hauts pylônes et que l’on aperçoit souvent dans les campagnes.

Carte des projets de lignes à très haute tension en France (> à 250 kV)

L’acceptabilité des projets par la population

Xavier Piechaczyk rappelle que cela fait des années que de nouvelles lignes à 400 kV n’ont pas été construites. Cela va indéniablement poser la question de l’acceptabilité de tels projets par la population. Les premières lignes THT ont été construites à partir de la fin des années 1950. Leur but initial était de relier les agglomérations aux usines de production hydroélectriques, puis, plus tard, les centrales nucléaires aux métropoles. Les dernières lignes de ce type ont été construites dans les années 2010. Les lignes à très haute tension sont plutôt récentes par rapport au reste du réseau.

Si RTE privilégie depuis plusieurs années l’enfouissement des lignes électriques, cela ne pourra pas être le cas avec les nouvelles liaisons à très haute tension en courant alternatif puisqu’il faudrait utiliser la technologie du courant continu haute tension, très coûteuse. Les Français doivent donc s’attendre au déploiement de nouvelles lignes aériennes. C’est déjà le cas avec un projet en cours de concertation en Normandie, pour renforcer le réseau avec la création d’une nouvelle ligne aérienne de 80 km environ entre Amiens et Petit-Caux. D’un coût de 390 millions d’euros, ce projet permettra d’augmenter la capacité de transport du réseau à cet endroit à hauteur de 6 000 MW. La mise en service est prévue d’ici 2032/2033.

Ralentir ou arrêter les projets serait dangereux

Mais ces nouveaux chantiers risquent de se heurter à des oppositions. On se souvient du projet abandonné de ligne à très haute tension dans le sud-est, pour désenclaver le territoire, qui avait été censuré par le Conseil d’état en 2006. Il faut s’attendre à un contentieux fourni qui risque de ralentir le développement du réseau.

En parlant d’acceptabilité, Xavier Piechaczyk évoque dans son audition l’éolien terrestre qui provoque souvent des levers de boucliers de la population vivant à proximité des futures installations. Il précise que la France pourrait ralentir le développement de l’éolien terrestre, mais cela ne serait pas sans conséquence. Il manquerait alors environ 20 TWh de production électrique et « on se retrouverait dans un monde sobre », avec « une sobriété beaucoup plus structurelle » que celle liée à l’adoption de gestes simples.

Les Français vont donc devoir faire des choix et des concessions, pour pouvoir relever le défi de la transition énergétique et atteindre les objectifs climatiques fixés à l’horizon 2050.