Si l’on vous demande quel est le moyen de transport le plus propre pour sillonner la France, les plus courageux répondront « le vélo », les autres répondront presque toujours « le train ». Mais est-il vraiment si peu émetteur de CO2 ? Et si oui, pourquoi ? Dans ce dossier, nous revenons ensemble sur tout ce qui fait du train l’un des meilleurs compromis pour limiter les émissions du secteur du transport.

Le secteur des transports revient très vite sur la table, lorsque l’on évoque les défis d’un pays pour réussir sa transition énergétique. Et pour cause, rien qu’en France, il représentait 31 % des émissions du pays en 2019. Pour faire baisser ces émissions, l’efficacité de chaque mode de transport doit être améliorée grâce à des avancées technologiques. Mais il est également possible de limiter ces émissions en comparant chaque moyen de transport afin d’optimiser leurs usages. Et au jeu des comparaisons, c’est bien souvent le train qui ressort vainqueur, grâce à une efficacité à toute épreuve.

Le train, champion toutes catégories

Mais commençons par le commencement. Pour tenter d’établir un classement entre les différents moyens de transport, de nombreux calculateurs d’émissions de CO2 ont été mis en place depuis plusieurs années. De nombreux sites et de nombreuses organisations y vont de leur propre outil pour permettre à chacun de se faire une idée plus précise de l’impact de nos déplacements.

Si le train apparaît bien souvent comme le moyen de transport le plus sobre en émissions de CO2, il convient tout de même de le vérifier. Pour cela, nous avons choisi de comparer, pour le même trajet, les émissions du train, de la voiture et de l’avion grâce à 3 comparateurs : celui de l’ADEME, de la SNCF et le calculateur d’émission de l’aviation civile.

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Autant le dire tout de suite, les résultats devraient bien évidemment varier d’un comparateur à l’autre, chacun ne partant pas des mêmes hypothèses de départ. Du côté de l’ADEME, on considère les émissions liées au trajet en lui-même, mais également celles associées à la construction et à la maintenance de l’appareil utilisé. Le calculateur de la SNCF, lui, ne prend en compte que les émissions liées au trajet. L’aviation civile voit les choses de manière un peu différente et étudie les émissions associées à la production et au transport du combustible nécessaire à l’avion.

Aucun de ces calculateurs ne considère la construction et la maintenance des infrastructures nécessaires à ces différents moyens de transport, ce qui a pour effet d’avantager le ferroviaire et son très vaste réseau. L’Union internationale des chemins de fer à tout de même publié une étude estimant les émissions liées à la construction des voies de chemin de fer de l’ordre de 6 à 7 g de CO2 par voyageur-kilomètre (ce qu’émet un voyageur pour un km parcouru).

Quelles émissions de CO2 pour un trajet Nantes-Paris ?

Passons aux choses sérieuses avec les émissions de CO2 d’un aller simple Nantes-Paris. Voici les résultats que nous obtenons :

ADEME SNCF Aviation civile
Voiture 84 kg 41,7 kg
Train 1,2 kg 1,4 kg
Avion 79 kg 88,7 kg 65 kg

Avant d’interpréter ces résultats, il convient de comprendre pourquoi les émissions de la voiture sont données à 84 kg du côté de l’ADEME et 41,7 kg du côté de la SNCF. Cette différence s’explique par le fait que la SNCF prend pour hypothèse que la voiture comporte 2,2 passagers, moyenne de chaque transport en voiture particulier en France. L’ADEME, elle, ne compte qu’un seul passager à bord.

Malgré un écart important entre les résultats obtenus sur le calculateur de l’aviation civile et les deux autres, le résultat est sans appel : le train émet beaucoup moins de CO2 que les autres moyens de transport. Pour finir de s’en convaincre, il suffit de jouer avec ces comparateurs et d’essayer tous les trajets possibles et imaginables.

Les limites du transport ferroviaire

Mais pourquoi constate-t-on un tel écart entre le train et les autres moyens de transport ? Le train a pourtant de nombreux inconvénients

D’autre part, malgré un bilan carbone globalement meilleur que les autres moyens de transport, il n’en reste pas moins neutre. Chaque année, la SNCF est responsable de 1,6 % de la consommation d’électricité en France. Si la grande majorité du réseau est électrifiée, il subsiste tout de même des milliers de kilomètres de voies qui ne sont pas équipés de caténaire. Ainsi, un quart des TER du réseau fonctionnent encore grâce à des motrices diesel, engendrant la consommation de presque 11 millions de tonnes de gazole, rien qu’en 2019.

Enfin, le réseau ferroviaire lui-même a un impact environnemental important. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le rapport d’impact environnemental lié à la construction de 140 km de la ligne LGV Rhin-Rhône entre Petit-Croix et Auxonne. Ce tronçon générera, jusqu’en 2041 (soit 30 ans d’exploitation), 1,9 million de tonnes de CO2, dont 42 % issus de la construction de la ligne. Chaque voie ferroviaire nécessite, en effet, des travaux de génie civil colossaux, en plus d’affecter directement la biodiversité locale.

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Les (gros) avantages du train

Oui, mais voilà. Malgré ces inconvénients, le train a également des avantages qui font de lui un modèle d’efficacité. Ces avantages sont tels que, selon le rapport environnemental de la ligne LGV précédemment cité, celle-ci serait en réalité neutre en carbone au bout de 12 ans de service, grâce au report modal. Le report modal correspond à la prise en compte des émissions de CO2 évitées lorsqu’une partie des passagers préfère, grâce à la création de la ligne, prendre le train plutôt que l’avion ou la voiture. Parfois contesté, ce rapport témoigne malgré tout de l’efficacité hors norme du transport ferroviaire. Cette efficacité s’explique par plusieurs aspects, en voici quelques-uns.

➡️ Des frottements infimes entre le rail et la roue

Le train est un modèle d’efficacité sur plusieurs aspects. En premier lieu, la résistance au roulement sur rail est très faible, de l’ordre de 0,2 % lorsque le contact pneu-route d’une voiture roulant à 110 km/h est de l’ordre de 1,5 %. La surface de contact d’une roue de TGV est d’environ 1 cm² seulement. « Pour un train complet, la zone en contact avec le sol à plus de 300 km/h est plus petite que la surface de votre téléphone » explique le vulgarisateur Dimitri Ferriere.

Et ce n’est pas tout, l’aérodynamique joue également un très grand rôle dans cette efficience. En effet, les wagons d’un train sont protégés par la motrice, ce qui réduit drastiquement la traînée aérodynamique du convoi. Sur ce point, les TGV entièrement carénés sont des modèles du genre. Grâce à cela, les conducteurs de train peuvent pratiquer la « marche sur l’erre », une technique qui consiste à anticiper les dénivelés de la voie pour ne pas utiliser les moteurs dans les descentes.

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➡️ Une électricité particulièrement bas-carbone en France

L’électricité est la principale source d’énergie utilisée pour propulser les 15 000 trains circulant chaque jour sur le territoire français. On estime que 80 % des trains de fret et 90 % des trains voyageurs circulent sur les quelque 15 000 km de lignes électrifiées. Or, le mix électrique français est très bas-carbone grâce à la forte prédominance de la production nucléaire. Selon RTE, le niveau d’intensité carbone du mix électrique français était de 36 g CO2/kWh contre 216 g CO2/kWh pour l’Allemagne. L’intensité carbone du réseau électrique français confère au train un avantage considérable sur la plupart des autres moyens de transport qui reposent sur la combustion d’énergies fossiles.

➡️ Une très grande capacité d’emport

Le train tient également son efficacité à sa capacité d’emport très élevée, en particulier pour le TGV. Ce dernier, en version Duplex, peut emporter 510 passagers en configuration standard et jusqu’à 634 passagers en version Ouigo. À titre de comparaison, un avion moyen-courrier comme l’Airbus A321 ne peut embarquer que 220 passagers au maximum. Pour les TER, l’écart se resserre puisque ces derniers, en fonction des modèles, ont une capacité de l’ordre de 200 places.

Le TGV-M, future star de l’efficience

Si, dans le secteur actuel des transports, le TGV est déjà un modèle d’efficacité énergétique grâce à sa conception et son utilisation de l’électricité, il devrait être surpassé par son futur remplaçant : le TGV-M. Celui-ci devrait permettre une baisse de plus de 30 % de ses émissions de CO2 grâce à une conception nouvelle qui permettra d’améliorer son Cx de l’ordre de 8 %, de moins consommer d’énergie et surtout de renvoyer sur le réseau l’énergie générée lors des freinages. Il sera, par ailleurs, équipé de batteries lui permettant de délester le réseau électrique français en cas de forte tension, ou de circuler sur plusieurs kilomètres malgré une panne de courant ou un incident sur la caténaire. Enfin, il aura une capacité utile maximale de 730 passagers en configuration Ouigo, contre 634 aujourd’hui avec les TGV Duplex.

Pour atteindre la neutralité carbone, la SNCF a un plan

Malgré ces avantages, et une certaine avance sur les autres moyens de transport, le secteur ferroviaire a encore du chemin à parcourir avant d’atteindre la neutralité carbone. Si le secteur aérien vise la neutralité carbone d’ici à 2050, la SNCF a décidé, compte tenu de son avance, de mettre la barre plus haut et espère atteindre le zéro carbone d’ici à 2035.

Pour y parvenir, l’entreprise multiplie les actions pour produire sa propre énergie verte en créant notamment sa filiale SNCF Renouvelables dédiée à la production d’électricité. L’entreprise cherche également à se passer du gazole pour alimenter ses motrices. Pour cela, outre l’utilisation de biocarburant, l’entreprise envisage de faire circuler des motrices hybrides équipées d’un moteur thermique ainsi que de batteries et d’un moteur électrique. Des essais d’autorails électriques équipés de batteries sont également en cours avec le fabricant Alstom. Enfin, la SNCF mise beaucoup sur le développement de l’hydrogène, et pourrait bientôt faire circuler des trains à hydrogène comme le Coradia iLint de chez Alstom.

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Quelle place pour le train dans le futur ?

Si le train a pendant longtemps subi une forte concurrence de l’aviation en ce qui concerne les trajets « intérieurs », il se pourrait que la transition énergétique le fasse revenir sur le devant de la scène du fait de ses nombreux avantages. Si le fret ferroviaire a pendant longtemps été délaissé, il pourrait lui aussi redevenir intéressant grâce à son bilan carbone avantageux.

Néanmoins, pour que cela soit possible, il faudra nécessairement que le train redevienne abordable. Selon une étude de Greenpeace datant de juillet 2023, en France, un billet de train est en moyenne 2,6 x plus cher qu’un billet d’avion. Toujours selon Greenpeace, cette différence de prix s’explique en partie par les avantages de fiscalité dont bénéficie le secteur aérien.