Calculer l’intensité carbone de l’électricité, c’est la spécialité d’Adrien de Vriendt. Le jeune entrepreneur a créé « Adapt », un outil en ligne pour inciter le grand public à consommer au moment où l’électricité est la plus « verte ». Il s’est également amusé à déterminer l’impact climatique d’un des plats préférés des Français : la raclette.

La bonne vieille raclette est-elle aussi nocive pour le climat que pour nos artères ? Selon les calculs « de coin de table » d’Adrien de Vriendt, la raclette est bel et bien l’un des repas les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Sans intention de dézinguer le plat d’hiver préféré des Français, l’entrepreneur, qui a lancé un service météo carbone de l’électricité, s’est penché sur son impact climatique.

« Une raclette, c’est environ 2,5 kg de CO₂ par personne » affirme-t-il sur son compte Twitter, où il détaille sa méthodologie. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’essentiel des émissions ne provient pas de l’électricité consommée par l’appareil à raclette. Malgré ses 500 à 2 000 W de puissance pour les plus grosses, l’appétit énergétique de la machine représenterait seulement 1 % des rejets de gaz à effet de serre lorsqu’elle est branchée sur une prise française.

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Si la raclette fait fondre aussi rapidement le fromage que la banquise, c’est à cause de certains de ses ingrédients. D’abord, le fromage à base de lait de vache « qui rotent du méthane, un puissant gaz à effet de serre » détaille Adrien de Vriendt. Malgré le fait que le cochon n’est pas un animal ruminant, le jambon est la seconde source d’émissions. Enfin, le vin, conditionné dans de lourdes bouteilles en verre, dégrade sévèrement son bilan carbone. Patates, cornichons et salade ont un impact négligeable.

Non, se priver de raclette ne sauvera pas le climat

Rien de bien surprenant en somme. Tous les plats à base de viande et fromage de ruminants sont connus pour être fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Il n’est pas question de se priver de raclette, d’autant que sa consommation est très occasionnelle. Pour Adrien de Vriendt, ce petit calcul est surtout l’occasion d’évoquer le service de « météo carbone » de l’électricité qu’il a créé.

Baptisé « Adapt », l’outil permet de connaître l’intensité carbone du courant en temps réel et plusieurs jours à l’avance. L’idée ? Aider tous les consommateurs à connaître les moments où l’électricité est la plus « verte ». Ainsi, ils peuvent choisir la meilleure période pour lancer un appareil énergivore en évitant de solliciter les centrales fossiles (charbon, gaz, fioul).

Si décaler l’heure de démarrage d’une raclette entre amis n’aura pas énormément d’impact, ce n’est pas le cas d’un sèche-linge, chauffe-eau ou lave-vaisselle. Lancer ces appareils, bien plus consommateurs à l’année, au meilleur moment peut significativement réduire les rejets de gaz à effet de serre.

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Mieux faire comprendre l’énergie au grand public

« Je pense qu’il y a un énorme déficit d’accompagnement des particuliers pour qu’ils comprennent mieux leur consommation d’énergie » estime Adrien de Vriendt. « On se rend compte que les gens qui viennent nous voir sont paumés, ils veulent savoir ce qu’ils peuvent gagner avec les contrats heures pleines – heures creuses, comment ils peuvent rénover pour moins consommer, si la voiture électrique est un attrape-couillons… » déplore-t-il.

Sur son site Adapt, il indique l’intensité carbone de l’électricité heure-par-heure selon un code couleur et une mention très simple. Ici, pas de grammes d’équivalent-CO2 par kilowattheure (gCO2e/kWh) impossible à contextualiser pour les non avertis. L’outil calcule les émissions globales de l’électricité selon les analyses de cycle de vie de chaque filière (charbon, gaz, éolien, solaire, nucléaire, etc…) publiées par le GIEC, assure l’entrepreneur.

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Une prise connectée pour piloter ses appareils

Le jeune dirigeant, qui inscrit la « lutte contre le chaos climatique » dans les statuts de son entreprise, souhaite aller au-delà en proposant des services de flexibilité pour le réseau électrique. Sur un concept comparable à l’effacement diffus, comme les boîtiers Voltalis par exemple, il imagine une « prise connectée » qui pourrait piloter un chauffage ou une borne de recharge pour véhicule électrique.

Ces derniers pourraient ainsi s’activer uniquement lorsque l’électricité du réseau est faiblement émettrice de gaz à effet de serre. Il n’y aurait plus besoin de vérifier la météo-carbone de l’électricité pour activer manuellement tel ou tel appareil au moment adéquat. Un projet toutefois ralenti dans le contexte actuel.

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« Malheureusement avec l’invasion de l’Ukraine et l’explosion des prix de l’électricité, le marché de la fourniture est très difficile. Il y a un refroidissement car beaucoup d’incertitudes », explique Adrien de Vriendt. « Ce n’est pas le bon moment pour vendre nos solutions » regrette-t-il.

Dans un mix électrique intégrant une grande quantité d’énergies renouvelables variables comme l’éolien et le solaire, la flexibilité devient un enjeu majeur. Il sera nécessaire de développer un ensemble de systèmes pour piloter intelligemment la demande en électricité. Adapt aura peut-être la chance de faire partie de ces acteurs.