Et si l’électricité pouvait être stockée dans la structure d’un objet ou d’un appareil électrique ? Par exemple la carrosserie d’un véhicule, la cadre d’un vélo, la carlingue d’un avion, la coque d’un bateau, le dos d’un smartphone ou même les parois d’une habitation. C’est l’objectif poursuivi par des équipes de chercheurs qui tentent de mettre au point des « batteries structurelles ». Une équipe de scientifiques suédois a récemment présenté un prototype qui pourrait jouer ce rôle et affiche des performances remarquables.

Pour les véhicules électriques, mais aussi les « objets nomades » comme les smartphones, appareils photos, outils portatifs, etc., le poids et le volume des batteries et des piles est un handicap que les ingénieurs tentent de réduire au maximum. La mise au point de matériaux pouvant à la fois stocker de l’électricité avec une bonne densité énergétique et s’intégrer à la structure même des objets en participant à leur résistance mécanique, permettrait donc de révolutionner le stockage de l’électricité.

Les scientifiques suédois sont à la pointe des recherches

Le concept de batterie structurelle n’est pas neuf puisque des équipes de chercheurs travaillent sur le sujet depuis plus de 16 ans. Comme souvent, les militaires ont été les premiers à s’intéresser à la question. Le laboratoire de recherche de l’US Army a ainsi réalisé en 2007 la première tentative de fabrication d’un matériau structurel capable de stocker l’électricité. Il présentait de bonnes propriétés mécaniques, mais l’expérience a échoué à cause d’une mauvaise isolation électrique.

D’autres scientifiques à travers le monde se sont également mis au travail, mais jusqu’il y a peu, les matériaux qu’ils ont développés n’offraient pas une résistance suffisante pour être utilisés en tant que batterie structurelle. Ces stockages d’électricité fonctionnent selon le même principe que les batteries électrochimiques au lithium, sauf que les matériaux utilisés ne sont pas les mêmes.

Les chercheurs les plus avancés sur le sujet sont les suédois de l’université Chalmers à Göteborg, associés à ceux de l’Institut de technologie KTH de Stockholm. Ils ont présenté l’année dernière une batterie dont l’anode est constituée de fibres de carbone et la cathode d’une feuille d’aluminium recouverte de phosphate de lithium et de fer. Un séparateur en fibre de verre permet la circulation des ions, l’électrolyte étant quant à lui constitué de polymères.

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Une batterie structurelle compétitive

Affichant un module d’élasticité[1] de 25 GPa, ce prototype offre une résistance suffisante pour concurrencer de nombreux matériaux utilisés dans les assemblages structurels. Sa densité d’énergie de 24 Wh/kg est 10 fois supérieure à celle des tentatives précédentes de mise au point d’une batterie structurelle.

Toutefois elle n’équivaut encore qu’à environ 20% seulement de la densité d’énergie des cellules lithium ion actuellement commercialisées sur le marché. Comme ce matériau permettra d’alléger les véhicules et qu’il faudra donc moins d’énergie pour les mouvoir, le handicap n’est cependant pas aussi important qu’on pourrait le penser à priori.

« Les précédentes tentatives de fabrication de batteries structurelles ont abouti à des cellules ayant soit de bonnes propriétés mécaniques, soit de bonnes propriétés électriques. Mais ici, en utilisant de la fibre de carbone, nous avons réussi à concevoir une batterie structurelle avec à la fois une capacité de stockage d’énergie et une rigidité compétitives », précise Leif Asp, professeur à Chalmers et responsable du projet.

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Un potentiel fantastique

L’objectif des scientifiques suédois est maintenant d’améliorer les performances de leur prototype.  Un nouveau projet, financé par l’Agence spatiale suédoise vise à remplacer dans l’électrode positive, la feuille d’aluminium par des fibres de carbone.  Le séparateur en fibre de verre sera aussi remplacé par une variante ultra-mince.

Ces adaptations devraient améliorer la rigidité de l’ensemble, augmenter la densité d’énergie mais aussi accélérer les cycles de charge. Selon les chercheurs de l’université Chalmers il serait possible d’obtenir une densité d’énergie de 75 Wh / kg et une rigidité de 75 GPa. La batterie serait alors aussi solide qu’une tôle d’aluminium, mais son poids serait comparativement beaucoup plus faible.

« La batterie structurelle de nouvelle génération a un potentiel fantastique. Si vous regardez la technologie grand public, il pourrait être tout à fait possible d’ici quelques années de fabriquer des smartphones, des ordinateurs portables ou des vélos électriques plus compacts et deux fois plus légers que ceux qu’aujourd’hui », prétend Leif Asp. Les résultats du nouveau projet sont attendus d’ici un an.

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[1] Le module d’élasticité est une propriété d’un matériau qui caractérise sa résistance à la déformation quand il est soumis à une contrainte définie. Il est exprimé dans les mêmes unités que les pressions, c’est-à-dire le Pascal et ses multiples.