Dans un sondage IFOP révélé aujourd’hui, 58 % des Français se déclarent prêts à voter pour un candidat à la présidence de la République qui engagerait le pays dans une politique énergétique incluant la sortie du nucléaire et le développement des énergies renouvelables.

A trois mois de l’élection présidentielle 2022, et dans un contexte de flambée inédite des prix de l’énergie, les questions de politique et de transition énergétiques, et en particulier la place à donner à l’énergie nucléaire, divisent les candidats. Mais qu’en pensent les Français ? C’est ce qu’a tenté d’établir l’IFOP – une des principales entreprises de sondage d’opinion et d’étude de marché en France – lors d’une enquête menée début janvier auprès d’un échantillon de 1006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

Inquiets à l’égard de l’énergie nucléaire

Bien que les catastrophes de Tchernobyl ou Fukushima s’éloignent dans l’esprit des gens, près de la moitié des sondés (46%) se déclarent inquiets à l’égard de la production d’énergie nucléaire. Une proportion qui est plus importante parmi les catégories pauvres, bénéficiant d’un revenu de moins de 1900 € (62% vs 32% des catégories aisées avec un revenu de plus de 2500 €) et les électeurs de gauche (61%), lesquels témoignent de plus fortes préoccupations face à ce type d’énergie.

Les avis semblent plus affirmés quand la question porte sur une sortie du nucléaire au profit des énergies renouvelables.  Six interviewés sur 10 (58%) affirment être prêts à voter pour un candidat à l’élection présidentielle engagé dans cette politique énergétique (58%). C’est le cas notamment de 64% des 18-24 ans, de 80% des partisans de la Gauche et de ceux qui ont voté pour un candidat de gauche en 2017 (70% des électeurs de Jean Luc Mélenchon et 73% des électeurs de Benoît Hamon).

« Le risque lié au nucléaire est réel », rappelle Pauline di Nicolantonio, chargée de campagne du Réseau ’Sortir du nucléaire’ qui a commandé le sondage. « Et ce n’est pas une lubie des ONG », ajoute-t-elle, « l’Autorité de sûreté nucléaire elle-même a mis en ligne des livrets et des vidéos pédagogiques sur ‘la bonne conduite à tenir’ en cas de catastrophe nucléaire, ça fait froid dans le dos ! ».

À lire aussi Pour le Conseil Supérieur de la Santé, le nucléaire n’est pas «durable»

Une série de menaces

La position des Français dont une majorité se déclare prêt à tourner le dos au nucléaire, ne semble pas résulter d’une réaction à chaud des suites d’une catastrophe mais bien d’une dynamique plus profonde de rejet d’une industrie qui apparaît comme coûteuse, polluante et dangereuse.

Les installations nucléaires françaises sont exposées à toute une série de menaces : défaillances techniques à répétition, vétusté des installations, défauts de conception, erreurs humaines accrues avec la dégradation des rythmes de travail des sous-traitants, cyberattaques, sécheresses ou inondations susceptibles de s’accentuer avec le réchauffement climatique, vulnérabilité aux séismes, menaces d’attaques terroristes… Les sources de risques sont nombreuses et bien réelles ! En ce début d’année, cinq réacteurs dont les quatre plus récents et plus puissants du parc sont à l’arrêt à cause de fissures liées à la corrosion sur les tuyauteries des circuits d’injection de sécurité. Une avarie grave qu’EDF et l’ASN ne s’expliquent pas.

À lire aussi Le ciel s’assombrit au-dessus de l’avenir atomique d’EDF

Une industrie en déroute

« Le Président de la République semble aller à rebours de ces attentes sociétales grandissantes », estime Pauline di Nicolantonio. « Depuis quelques mois, on assiste à une grande opération de communication en faveur du nucléaire. Annonce présidentielle de relance de nouveaux réacteurs, alors même que l’EPR de Flamanville accuse plus de 11 ans de retard et continue d’en accumuler, lobbying agressif auprès de la Commission européenne pour faire passer le nucléaire pour une énergie verte dans le projet de taxonomie », précise-t-elle.

L’État français semble chercher par tous les moyens à redorer le blason d’une industrie actuellement en pleine déroute financière. Le chantier du nouveau réacteur de Flamanville (EPR) explose tous les budgets, et les pannes à répétition des centrales vétustes entraînent de lourdes pertes : environ 1 million par jour et par réacteur à l’arrêt.

« Mais au lieu d’investir dans la transition énergétique, Emmanuel Macron et son gouvernement sont prêts à dilapider l’argent public dans la construction de nouvelles centrales » s’insurge le Réseau ‘Sortir du nucléaire’ qui interpelle les candidats à la Présidentielle en leur demandant de s’engager, en cas d’entrée à l’Elysée, à fermer progressivement les réacteurs existants et à abandonner tout projet de nouvelles constructions nucléaires.

À lire aussi Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat À lire aussi Nouveau sondage : les Français largement favorables à l’éolien