Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la France comptait 51 fournisseurs d’électricité actifs en juin 2021. Si le consommateur dispose d’un large choix de fournisseurs, il retrouvera le même type d’offres partout : classiquement, un contrat au tarif base et un autre au tarif heures pleines/heures creuses. Dans le contexte des risques de pénuries l’hiver prochain, liés à la guerre en Ukraine, il devient urgent de redynamiser les offres heures pleines/heures creuses. On vous explique pourquoi.

Rappelons d’abord le principe : avec l’offre heures pleines/heures creuses (HP/HC), le consommateur paye son électricité moins chère pendant certaines plages horaires. Ces périodes moins onéreuses durent 8 heures et correspondent aux moments pendant lesquels la demande en électricité est moins forte : le plus souvent dans la soirée à partir de 22 h et parfois en début d’après-midi.

Il s’agit d’une incitation financière adressée aux consommateurs afin qu’ils reportent leurs usages sur des périodes de moindre demande, à un moment où l’électricité a moins de valeur sur les marchés. Le reste du temps, pendant les heures pleines, l’électricité est facturée plus chère que dans le cadre d’un contrat classique au tarif base. À noter également que l’abonnement du tarif HP/HC est un peu plus élevé que celui du tarif base.

Avec les anciens compteurs électriques, les heures creuses étaient obligatoirement fixées par zone géographique. Dans une commune, tous les consommateurs ayant souscrit un contrat HP/HC avaient la même plage d’heures creuses. Depuis le déploiement du compteur Linky, les heures creuses peuvent être adaptées en fonction des besoins du réseau au moment de la souscription du contrat. Deux voisins n’ont donc pas forcément les mêmes plages d’heures creuses. Celle-ci peut même évoluer lorsque vous changez de fournisseur sans même déménager.

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Une offre HP/HC devenue moins avantageuse

L’offre HP/HC est donc intéressante lorsque le client peut reporter une grande partie de sa consommation sur la période où le kWh est facturé au moins cher. Fin 2020, l’association 60 millions de consommateurs dénonçait cette offre qui ne serait pas intéressante pour les clients. Pire, la formule ferait perdre entre 30 et 50 € par an aux consommateurs ayant souscrit à un tarif HP/HC par rapport à ceux ayant choisi le tarif base (ou le kWh est facturé en permanence à un même prix). Cela s’explique par l’augmentation continue du prix du kWh en heures creuses.

Le Médiateur national de l’énergie a également alerté les consommateurs sur la nécessité de vérifier l’adéquation du contrat HP/HC avec leurs habitudes de consommation. En novembre 2020, il précisait que pour rentabiliser un contrat HP/HC avec une puissance de 9 kVA au tarif réglementé, il fallait reporter au moins 48 % du total de ses consommations sur les créneaux d’heures creuses, avec une consommation annuelle de 10 000 kWh.

Ce n’est pas forcément évident pour tout le monde et le Médiateur a mis en place un outil en ligne pour vérifier si le contrat HP/HC est intéressant pour les consommateurs. Mais alors, le contrat HP/HC est-il voué à disparaître, face à la difficulté de le rentabiliser pour les usagers ?

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Face au risque de pénurie, le réseau doit s’adapter

Des patrons de grands fournisseurs d’énergie au président de la République, tous l’affirment depuis des mois : les Français vont devoir apprendre à se serrer la ceinture l’hiver prochain en ce qui concerne leurs consommations d’électricité.

Le terme de « sobriété énergétique » est sur toutes les bouches. Avec la guerre en Ukraine et la menace sur l’approvisionnement en gaz dans l’Union européenne, les responsables politiques redoutent l’hiver 2022/2023. L’Élysée a donc annoncé un plan de sobriété énergétique avec des objectifs chiffrés qui devraient être précisés prochainement et qui concernera autant les particuliers que les entreprises.

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Dans le même temps, la France doit tenir ses engagements pour parvenir à une ambitieuse neutralité carbone d’ici 2050 et poursuivre le développement des énergies renouvelables. Ces dernières posent toutefois le problème du stockage et du maintien de l’équilibre du réseau.

Tout ceci pousse en faveur d’une nécessaire adaptation du réseau, pour éviter les pénuries et lisser la consommation. Dans ce contexte, les offres de type HP/HC semblent extrêmement utiles puisqu’elles permettent de décaler les usages sur des périodes de moindre tension du réseau.

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L’intérêt des HP/HC dans le contexte actuel

C’est la raison pour laquelle il semble urgent de rendre plus attractives ces offres, afin de pouvoir s’y appuyer lors des pics importants de consommation. Nous avons connu un tel phénomène récemment, le 4 avril 2022. En raison de la baisse inhabituelle des températures, une forte hausse des consommations a eu lieu, entraînant une envolée du prix de l’électricité sur le marché de gros.

Selon la CRE, ce phénomène d’augmentation des prix n’a pas pu être évité notamment parce que les mécanismes permettant de lisser habituellement les consommations en période hivernale prennent fin le 31 mars (mécanisme de capacité, appel d’offres effacement, etc.).

Un tel phénomène pourrait être récurrent l’hiver prochain. Or, les offres HP/HC sont un outil intéressant qu’il conviendrait d’exploiter pour passer l’hiver sereinement. Si les consommateurs y trouvaient un réel intérêt financier, il y a fort à parier que bon nombre d’entre eux seraient prêts à faire des efforts pour décaler leurs consommations pendant les périodes de moindre demande.

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Des offres similaires sur le marché

D’autres offres suivant le même principe que celui des HP/HC existent. On retrouve par exemple les tarifs EJP et Tempo proposés par EDF au tarif réglementé. Avec l’option EJP (Effacement des Jours de Pointe), le consommateur doit éviter de trop consommer pendant 22 jours par an, car l’électricité est facturée incroyablement plus cher : 0,94 €/kWh au lieu de 0,13 €/kWh le reste de l’année. La durée de ces pointes mobiles est de 18 h.

Si la grille tarifaire de l’option EJP peut toujours être consultée sur le site d’EDF, le fournisseur national précise qu’elle est « en extinction et n’est plus disponible à la souscription.» L’offre n’est effectivement plus commercialisée depuis 1998. Les contrats en cours se poursuivent, mais il n’est plus possible de choisir cette option dans le cadre d’un nouveau contrat.

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« Tempo », l’offre bien cachée d’EDF

Avec l’option Tempo qui remplace en quelque sorte l’ancienne formule EJP, le consommateur peut être facturé selon six tarifs différents en fonction de l’horaire et de la période : jour bleu, blanc ou rouge, chacun en heures pleines ou heures creuses. En consultant le site ou l’appli EDF, il sait la veille à quel montant sera facturée la journée du lendemain.

En cas de jour rouge (22 par an), il doit fortement baisser sa consommation. Actuellement, le tarif du kWh avec l’offre Tempo est par exemple de 0,09 €/kWh en jour bleu HC et jusqu’à 0,55 €/kWh en jour rouge HP. L’option Tempo est toujours commercialisée mais de façon très confidentielle. Elle n’est d’ailleurs pas spontanément proposée aux clients qui se rendent sur le site internet d’EDF, il faut donc contacter le fournisseur par téléphone pour y souscrire.

Dans son rapport 2018-2019 sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel, la CRE explique que les consommateurs montrent moins d’intérêt pour l’option Tempo en raison de la hausse des tarifs.

La commission indique en effet que « un client “Tempo” moyen ayant souscrit une puissance de 12 KVA et consommant en moyenne 8,6 MWh annuels a subi une hausse du tarif HT en euros courants de 30,1 % entre 2012 et 2019. Cette évolution s’explique par une remise à niveau de ce tarif, qui ne couvrait historiquement pas ses coûts. »

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L’électricité à très bas prix au cœur de la nuit

On comprend alors la difficulté liée à ces offres. Si elles doivent être rentables par les consommateurs, elles doivent l’être également pour les fournisseurs. À défaut, ce type d’offres risque de disparaître. Mais avec le déploiement du compteur Linky, de nouveaux contrats sont apparus sur le marché. TotalEnergies propose ainsi une offre avec des heures « Super creuses » en pleine nuit, au départ réservée aux consommateurs équipés d’une borne de recharge pour véhicules électriques.

Engie propose une option Week-end avec un prix du kWh 30 % moins cher en fin de semaine et pendant les jours fériés. Dans le même esprit, EDF propose une offre « Mes jours Zen » avec un prix du kWh 30 % moins cher jusqu’à 3 jours par semaine : le week-end + un jour de la semaine au choix du consommateur.

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Ces offres demandent néanmoins une réelle rigueur de la part du consommateur pour rentabiliser leur contrat. De plus, le manque de lisibilité de certaines offres ne permet pas aux clients de s’adapter au mieux.

Une véritable réflexion semble donc devoir être menée rapidement pour proposer aux consommateurs des contrats réellement incitatifs qui permettraient de soulager le réseau en cas de pointe de consommation. Ces contrats se doivent d’être transparents et clairs pour que les usagers comprennent facilement le tarif qui leur sera applicable.