En passant devant un parc éolien, on peut parfois remarquer que certaines éoliennes tournent alors que d’autres sont à l’arrêt ou fonctionnent au ralenti. Comment cela se fait-il ? Pourquoi une telle inégalité dans l’activité des éoliennes au sein d’un même parc ? Voici quelques explications.

Le territoire français compte environ 9 500 éoliennes installées au sein de 2 262 parcs, à fin 2022. Selon l’Ademe, en France, une éolienne tourne entre 75 % et 95 % du temps. Elle ne produit toutefois pas 100 % de sa capacité de production pendant cette période puisque son facteur de charge moyen, c’est-à-dire le rapport entre la puissance moyenne délivrée et la puissance moyenne installée, est de 23,5 %. On pourrait penser que s’il existe des différences de régime entre différents parcs, toutes les éoliennes d’un même site tourneraient simultanément, à la même vitesse. Pourtant, ce n’est pas le cas. Il n’est pas rare d’observer des éoliennes à l’arrêt complet, ou fonctionnant à faible vitesse, à proximité immédiate d’autres turbines tournant rapidement. Diverses raisons peuvent expliquer ce phénomène.

Des vents inégaux au sein d’un même parc éolien

Même si les éoliennes se trouvent dans un même parc, leur fonctionnement est individuel et indépendant de leurs voisines. Comme l’eau, l’air est un fluide. S’il nous est impossible de le visualiser à l’œil nu, l’air se déplace de façon hétérogène et créé des turbulences, d’autant plus exacerbées en présence de reliefs. Chaque éolienne se déclenche automatiquement et individuellement à partir de la masse d’air locale, reçue sur ses pales, généralement à partir de 15 km/h. Ainsi, la force du vent peut différer au sein d’un parc éolien. Il est donc possible qu’une éolienne tourne alors qu’une autre, placée à proximité, soit à l’arrêt ou plus lente.

Dans le même ordre d’idée, les éoliennes sont arrêtées automatiquement lorsque la force du vent est trop importante, au-delà de 90 km/h ou davantage selon les modèles. Lorsqu’une turbine est plus exposée à des rafales de vent supérieures à limite qui lui a été fixée, elle s’arrête, alors que sa voisine, moins exposée, peut continuer de fonctionner.

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Lutter contre les nuisances sonores et protéger l’environnement

Par ailleurs, une autre raison peut expliquer des différences de fonctionnement entre plusieurs éoliennes d’un même parc. Les parcs éoliens sont soumis à une réglementation en matière de nuisances sonores. En effet, leur fonctionnement provoque un bruit de fond du fait des vibrations de ses composants et du contact du vent avec les pales. Ce bruit est généralement inférieur à 35 décibels à 500 mètres de distance, ce qui correspond au bruit d’une conversation à voix basse. Il est de 55 décibels au pied de l’éolienne. Pour protéger la tranquillité des riverains, la réglementation prévoit l’obligation de bridage des éoliennes en cas de dépassement du seuil réglementaire du niveau sonore. Ce seuil est mesuré selon un niveau d’émergence que l’éolienne ne doit pas dépasser. L’émergence est la différence entre le bruit ambiant hors éoliennes et le bruit ambiant avec l’éolienne en marche. L’émergence ne doit pas être supérieure à +5 décibels entre 7 h et 22 h et +3 décibels la nuit, entre 22 h et 7 h. Si les seuils sont dépassés, les pales peuvent être ralenties pour diminuer les nuisances sonores.

L’activité des éoliennes peut également être modifiée pour préserver la biodiversité, par exemple, en cas de passage de certaines espèces comme des oiseaux migrateurs. D’ailleurs, une fois un parc éolien mis en service, il est obligatoire de mettre en place un suivi environnemental, afin de vérifier l’efficacité des mesures prises pour protéger la faune locale. Il en va de même pour les parcs éoliens en mer pour lesquels le suivi concerne à la fois la faune, mais également la flore locale.

En mai 2023 par exemple, plusieurs éoliennes en mer situées au large des Pays-Bas ont été arrêtées pendant 4 heures en pleine nuit, afin de permettre le passage des oiseaux migrateurs. Une première qui pourrait faire des émules.

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Les opérations de maintenance des éoliennes

Une des causes les plus courantes de l’arrêt d’une éolienne est la maintenance. En effet, elles font l’objet d’opérations régulières de maintenance et d’entretien, qui imposent un arrêt afin que les techniciens puissent intervenir en toute sécurité. Cela peut expliquer qu’une ou plusieurs éoliennes d’un même parc soient à l’arrêt alors que leurs voisines tournent.

Les opérations de maintenance sont de deux ordres. Elles peuvent être préventives pour surveiller le bon fonctionnement du parc et garantir les performances des éoliennes. L’arrêté du 26 août 2011 prévoit ainsi que « trois mois, puis un an après la mise en service industrielle, puis suivant une périodicité qui ne peut excéder trois ans, l’exploitant procède à un contrôle de l’aérogénérateur […] ». Il est aussi prévu que « selon une périodicité définie en fonction des conditions météorologiques et qui ne peut excéder six mois, l’exploitant procède à un contrôle visuel des pales et des éléments susceptibles d’être endommagés ». Les dispositifs de sécurité doivent également être contrôlés tous les ans minimum. Les opérations de maintenance peuvent aussi être curatives en cas de défaillance avérée du matériel qui nécessite l’intervention de techniciens pour procéder aux réparations.

Équilibre du réseau et influence des prix

Enfin, des éoliennes peuvent être arrêtées pour des raisons financières et/ou pour préserver l’équilibre du réseau. Lorsque la production d’électricité est supérieure à la demande, les prix chutent sur les marchés, jusqu’à atteindre parfois des niveaux nuls voire négatifs. Ainsi, pour ne pas perdre d’argent (si le parc n’est pas subventionné dans cette situation), l’opérateur peut réduire la puissance de son parc. Autrement, c’est le gestionnaire du réseau qui peut demander à l’opérateur de cesser la production, pour préserver l’équilibre du réseau. Cela peut s’effectuer par l’arrêt d’une partie des éoliennes d’un même parc ou par l’orientation de leurs pales, afin de diminuer leur vitesse de rotation.

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