Le concept développé par les 3 ingénieurs américains ne manque pas d’atouts pour atteindre son objectif : convertir au rail une partie du fret routier pour désengorger le trafic, réduire les coûts et l’impact carbone du transport.

Une équipe de choc

Matt Soule, John Howard et Ben Stabler sont les 3 cofondateurs de la société Parallel Systems. Ils ont en commun d’avoir participé à l’aventure SpaceX. PDG de la nouvelle entreprise, le premier a dirigé auparavant pendant 13 ans un département de 300 personnes qui s’activaient à la conception et aux tests de l’électronique spatiale.

Aujourd’hui vice-président en charge du matériel, John Howard a été responsable durant 8 ans des batteries pour la structure d’Elon Musk. Il a, entre autres, introduit l’usage des accumulateurs lithium-ion dans les vols spatiaux habités. Il travaillait non loin de Ben Stabler, le responsable des softs pour l’avionique et ingénieur principal en électronique des actionneurs motorisés. Ce dernier est désormais vice-président pour Parallel Systems, responsable des logiciels.
L’équipe au complet est composée de 25 ingénieurs issus de grands noms performants comme Google, Tesla ou encore Uber. Ils se répartissent sur les 2 sites californiens de Culver City et Palo Alto.

Etat des lieux du fret américain

Aujourd’hui, le fret routier pèse de l’ordre de 700 milliards de dollars (617 milliards d’euros) aux Etats-Unis. La filière est touchée par ses émissions de CO2 (444 millions de tonnes en 2019), le manque de 80 000 conducteurs, l’engorgement du trafic, l’augmentation du coût de l’énergie, etc. Ce qui alimente en partie la crise de la chaîne d’approvisionnement.
Face à cela, le réseau ferré offre un maillage d’environ 225 000 kilomètres. Il n’est à aucun moment de la journée occupé à plus de 3 % par des trains en mouvement. Différentes raisons expliquent le faible report modal de la route vers le rail. C’est principalement une question de coût et de flexibilité que les 3 cofondateurs de Parallel Systems cherchent à faire voler en éclat.

Ils ont une autre conviction : le réseau ferré, parce qu’il est fermé, offre un terrain de jeu idéal pour une exploitation sûre et précoce du pilotage autonome. Ils assurent en outre que, grâce en partie aux systèmes de détection embarqués, leurs convois sont capables de freiner 10 fois plus courts que les trains classiques. Une voiture immobilisée au milieu d’un passage à niveau ou un animal divaguant sur la voie risquerait moins d’être percuté.

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Dans les ports maritimes

Le trafic international du fret n’en fini pas de croître. De très grands ports maritimes réceptionnent et expédient des quantités phénoménales de conteneurs, avec un trafic ferroviaire déjà important, mais peu flexible. De longs convois doivent être formés pour des destinations très précises.  Les délais sont donc parfois conséquents entre les interconnexions mer-rail, mais aussi entre l’expéditeur et le rail, et ce dernier avec le destinataire. Ces 2 trajets sont le plus souvent effectués par la route qui offre un maillage beaucoup plus souple aujourd’hui.

La solution imaginée par les 3 cofondateurs est de nature à combler le fossé. Tout d’abord parce qu’une fois déposé sur les 2 draisines électriques autonomes qui forment les essieux du wagon, le conteneur peut être expédié vers sa destination. Cette prise en charge est potentiellement effectuée de façon beaucoup plus réactive, sans avoir à passer par un temps de stockage plus ou moins long et diverses opérations lourdes de manutention.

Des échanges facilités

Pour un échange avec un camion qui se chargera des derniers kilomètres, pas besoin d’une gigantesque infrastructure logistique. Ce qui permettra de multiplier les points d’interconnexion très modestes en superficie, au plus près des expéditeurs et destinataires, pour un gain de temps et en frais d’acheminement.

Véhicules ferroviaires de Parallel Systems

En outre, des bouts de voies ferrées peuvent être ajoutés afin de diriger les marchandises directement sur le site des grosses entreprises fonctionnant de manière intensive avec l’international. Ce qui éliminerait une opération de changement de mode de transport.
La jeune entreprise américaine créée en janvier 2020 précise que sa solution est capable de prendre en charge des tonnages de 58 tonnes, plus élevés qu’un camion.

Rassemblement en convois

Si les véhicules présentés par Parallel Systems peuvent voyager seuls, ils peuvent aussi se déplacer en convoi. Dans ce cas, chaque élément transportant 1 ou 2 conteneurs standards empilés peut rejoindre ou quitter le peloton à n’importe quel moment, selon sa destination. Mieux même : en cas d’immobilisation sur la voie, provoquant un blocage de la circulation automobile sur un passage à niveau, une partie entière du convoi pourra se détacher de façon autonome et reculer pour libérer le passage.
Plus légers et plus aérodynamiques, les véhicules automoteurs de la startup américaine ne consommeraient pas plus de 25 % de l’énergie d’un camion semi-remorque. Lorsqu’ils voyagent en convoi, ils se poussent les uns les autres. Ce scénario permet de répartir sur chacun d’eux la dépense d’énergie. Les engins son rechargeables en moins d’une heure.

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Bientôt en service ?

Aux Etats-Unis, les opérateurs ferroviaires estiment que la compétitivité du rail par rapport au fret routier intervient sur des déplacements qui excèdent 800 kilomètres. Du fait d’une plus grande flexibilité et réactivité, et d’un besoin moins important en infrastructures, la solution imaginée par Parallel Systems se montre plus économique que le transport par camion à partir de distances beaucoup plus courtes.
Au cœur du système : une suite de logiciels et un environnement connecté. En plus de gérer la sécurité, l’ensemble est doté de capacités d’apprentissage pour optimiser l’itinéraire. Ainsi en évitant les gares de triage surchargées, en adaptant la vitesse à l’état de la voie, et en planifiant les trajets tout en tenant compte de la consommation d’énergie.

Véhicule ferroviaire de Parallel Systems

Afin de développer une flotte de ces véhicules électriques et procéder aux essais nécessaires, l’entreprise vient de procéder à une levée de fonds de 49,55 millions de dollars. Parallel Systems teste déjà son matériel ferroviaire sur une voie fermée, quelque part dans la région de Los Angeles.

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