Si la course à la construction de parcs éoliens offshore bat son plein à travers l’Europe, celle de l’installation des câbles pour les reliers aux réseaux se révèle tout aussi intense. Et tout aussi chère. Selon un récent rapport, l’addition pourrait s’élever à plus de 400 milliards d’euros d’ici à 2050. 

Le Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (REGRT-E) vient de publier un rapport portant sur le développement du réseau électrique offshore à l’échelle de l’Europe jusqu’en 2050. Ce document rassemble l’ensemble des besoins auxquels l’Europe va faire face pour atteindre la neutralité carbone, tant pour le raccordement des parcs éoliens offshore, que pour la création d’interconnexions entre les pays européens. Outre la définition de ces besoins, le rapport souligne les (très) nombreux défis et les coûts associés à la mise en place de ces réseaux.

En 2020, dans son plan de développement pour les énergies renouvelables marines, l’Europe avait fixé un objectif de 300 GW d’éolien offshore installé d’ici 2050. Mais il semblerait que les pays européens aient pris le sujet à cœur. En compilant les données de chaque pays, REGRT-E est, en réalité, arrivé à un objectif total de 354 GW de puissance installée d’ici 2050, et même 496 GW en incluant le Royaume-Uni et la Norvège. Si ces chiffres témoignent de l’ambition des pays vers la transition énergétique, ils entraînent inévitablement un développement massif des réseaux électriques offshore pour permettre la distribution de l’énergie produite sans compromettre la stabilité du réseau.

Dans ce contexte, RGRT-E estime qu’il faudra déployer, d’ici à 2050, environ 54 000 km de lignes de transmission électrique ainsi que presque 300 convertisseurs à courant continu offshore et terrestres. Montant total de ces travaux : plus de 400 milliards d’euros.

Des enjeux colossaux pour parvenir au raccordement de l’éolien offshore

Si le financement de ces travaux constitue déjà un défi de taille, c’est loin d’être le seul. Dans son rapport, REGRT-E fait mention des différents challenges à surmonter pour atteindre ces objectifs, et en particulier le défi technologique. Pour réaliser ces interconnexions ainsi que le raccordement des parcs éoliens offshore, l’utilisation de liaisons HVDC (ou ligne à courant continu haute tension CCHT) devient peu à peu la norme.

Le développement massif de ces lignes passera nécessairement par la mise en place de disjoncteurs de courants continus spécifiques, sans quoi la stabilité du réseau européen pourrait être menacée. Avec ces disjoncteurs, les capacités d’interconnexions supplémentaires sont ainsi estimées à 13 GW, contre 7,5 GW sans. Au niveau national, la différence est encore plus flagrante puisque les capacités sont estimées à 13 GW avec les disjoncteurs DC contre seulement 2 GW sans. Mais il y a un hic : ces disjoncteurs spécifiques de courant continu ne sont pas encore disponibles à l’échelle industrielle et à un coût raisonnable.

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Pour atteindre ces objectifs, l’Europe devra également augmenter drastiquement la cadence de construction de ces lignes électriques, ce qui devrait avoir un impact sur l’ensemble des chaînes d’approvisionnement qui y sont associées, depuis la construction de navires spécifiques, à la création de ports adaptés, en passant par l’augmentation de l’approvisionnement en matières premières. Enfin, les ressources humaines devront être disponibles pour concevoir, mettre en œuvre et entretenir l’ensemble de ces infrastructures.

Pour finir, ces réseaux électriques impliquant presque systématiquement plusieurs pays en même temps, leur déploiement nécessitera une coopération sans faille entre les gouvernements concernés, les différents gestionnaires d’électricité ainsi que le secteur de l’industrie pour pouvoir atteindre une approche systémique de l’ensemble.

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Rénover l’ensemble du réseau électrique européen

Outre les besoins liés aux déploiements de réseaux offshore, l’électrification des usages, dans une optique de décarbonation de l’énergie, va nécessiter une rénovation d’ampleur de l’ensemble du réseau électrique européen, et en particulier les réseaux locaux de distribution. Ceux-ci devront, en effet, pouvoir supporter la recharge de véhicules électriques ou encore la production d’électricité via des installations photovoltaïques à l’échelle des particuliers.

La commission européenne a donc dévoilé, en novembre 2023, un plan d’action visant à accélérer le développement de ces réseaux électriques. Ce plan d’action en 14 points vise à améliorer la planification à long terme des réseaux pour un coût estimé à 584 milliards d’euros d’ici 2030.