Constituée ce 30 juin par un consortium de 6 entreprises de niveau international, la société GravitHy projette la construction et l’exploitation d’une grande usine de fer et d’acier vert à Fos-sur-Mer. Elle permettra d’éviter jusqu’à 4 millions de tonnes de CO2, soit 5% des émissions de l’industrie française en 2019.

Si les énergies renouvelables peuvent assez facilement remplacer les fossiles (charbon pétrole et gaz) dans la plupart de leurs usages comme la production d’électricité, le chauffage et les transports routiers, les ingénieurs peinent à « verdir » certains processus industriels.

Au sein des hauts-fourneaux qui transforment le minerai de fer en fonte avant que celle-ci ne soit affinée dans une aciérie, le combustible traditionnellement utilisé est du coke, un dérivé du charbon produit dans les cokeries, des installations très polluantes. Dans les procédés employés classiquement pour fabriquer l’acier, ce coke sert à la fois à obtenir les hautes températures permettant de « fondre » le minerai de fer et à fournir le carbone qui entre dans l’élaboration de l’acier, lequel est en effet un alliage de fer et de carbone.

Au niveau mondial, l’industrie sidérurgique est responsable de 5 à 8% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’environ 10 à 15% de la consommation totale de charbon. Dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques et de l’abandon progressif des énergies fossiles il importe donc de trouver rapidement un autre processus pour la production d’acier.

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Appel à l’hydrogène vert

Les aciéries électriques qui élaborent l’acier à partir de ferrailles recyclées ne posent pas de problème majeur : elles peuvent évidemment être alimentées par de l’électricité d’origine renouvelable. Mais il en va tout autrement de la fabrication d’acier à partir du minerai de fer. Les sidérurgistes n’avaient, jusqu’il y a peu, pas encore trouvé de substitut économiquement compétitif à l’utilisation de coke et donc de charbon.

On pourrait revenir aux procédés mis au point il y a quelques milliers d’années lorsque les premiers métallurgistes de la préhistoire utilisaient du charbon de bois dans les bas-fourneaux. Mais les quantités de bois nécessaires seraient telles que cette idée saugrenue accélérerait dangereusement la déforestation de la planète. Oublions là donc tout de suite.

Depuis quelques années, les industriels explorent une autre piste : l’utilisation d’hydrogène vert en remplacement du charbon pour la production d’acier. Plusieurs initiatives ont déjà vu le jour. Notamment en Suède où la société Hybrit a construit une usine pilote destinée à produire cet acier « fossil-free ». Les travaux se sont achevés le 31 août 2020 et les premiers lots d’acier « vert » ont été livrés au constructeur automobile Volvo en septembre 2021.
Mais aussi en France, à Dunkerque dans l’usine d’ArcelorMittal où le sidérurgiste s’est associé à Air Liquide dans l’optique de réduire de 2,85 Mt les émissions annuelles de CO2 des hauts-fourneaux de Dunkerque d’ici 2030.

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6 parteanires pour signer l’acte de naissance de GravitHy

Ce 30 juin, un autre grand projet français d’acier décarboné a fait l’objet d’une annonce remarquée.  A l’initiative d’EIT InnoEnergy (un organisme européen dont la mission consiste à « booster » la transition énergétique), le fabricant d’électrolyseurs Plug Power, l’énergéticien Engie New Venture , la société d’ingénierie Primetals Technologies, l’équipementier automobile Forvia (ex-Faurecia), et le groupe immobilier Idec, ont signé l’acte de naissance de GravitHy avec l’objectif d’en faire un acteur incontournable du marché de l’acier vert. Une annonce soutenue par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition Energétique, et Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur.

L’objectif est de produire – avec de l’hydrogène décarboné – du fer de réduction directe (DRI) qui sera soit utilisé sur place comme matière première pour fabriquer de l’acier vert soit commercialisé au niveau mondial sous la forme de fer briqueté à chaud (HBI ou Hot Briquetted Iron). Le projet prévoit la mise en œuvre d’électrolyseurs d’une puissance totale de 650 MW pour produire 110 000 tonnes d’hydrogène par an. Lors de leur mise en service, il s’agira d’une des plus grandes capacités de ce type en Europe.

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Production industrielle en 2027

Le consortium veut investir 2,2 milliards d’euros dans la construction d’une première usine à Fos-sur-Mer, en région PACA d’ici 2024. La production industrielle commencerait en 2027, sous réserve des autorisations réglementaires requises. L’ambition est de produire 2 millions de tonnes de DRI par an et de créer plus de 3 000 emplois directs et indirects dans la région.

Selon Karine Vernier, présidente de GravitHy, l’hydrogène sera « dans un premier temps » issu de la production électrique française, « peu carbonée du fait de sa forte part de nucléaire ». Mais il est déjà prévu d’utiliser ensuite « au maximum les énergies renouvelables ».

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